Naissance le 30 mars 1902 à Varna (Bulgarie), décès le 16 décembre 1972 à Vincennes (France)
Sarafian semble avoir mené une vie sans histoire. Les événements extérieurs y sont peu nombreux, mais leur répercussion, dans sa vie spirituelle, est intense. Dans son autobiographie, rédigée à la troisième personne, en 1939, il insiste sur des faits ayant marqué son enfance et son adolescence, qui peuvent paraître anodins, mais qui déterminent en fait ses mythes personnels et façonnent sa vision poétique (alors qu'il a deux ou trois ans, par exemple, ses parents le ramènent presque mort d'une promenade, au cours de laquelle, pensent-ils, une tzigane lui a jeté un mauvais sort).
Il naît en 1902, entre Constantinople et Varna, à bord d'un bateau qui emmenait sa famille en Bulgarie, où ses parents, originaires d'Akn, s'étaient réfugiés en 1896. "Le matin même de sa naissance,-écrit-il, il a entendu le carillon des cloches de Pâques, en s'approchant de la côte". Il vit jusqu'en 1914 dans un grand domaine, où son père, boulanger de son état, élevait des chevaux. Il fait ses études primaires dans les écoles arméniennes de Varna.
À l’âge de 12 ans, il passe en Roumanie, avec son frère aîné, puis en Russie. En 1917, il rentre seul chez lui. Le voyage dure trois mois. Dans le bouleversement général que la Révolution Russe a créé, Sarafian fait l'expérience de la faim et de la prison, il voit les ravages de la guerre et de la mort.
De retour chez lui, il fréquente le Collège Saint Michel des frères, puis en 1919, il passe à Constantinople, où il s'inscrit au Collège Central. Il y a pour professeurs Hagop Ochagan et Vahan Tékéyan. Il ne termine pas la dernière année du Collège, retourne en Bulgarie et en Roumanie et vers la fin de 1923, s'installe à Paris, où il exerce le métier de linotypiste.
Sarafian s'intéresse à la vie littéraire française et arménienne et se laisse influencer par la magie du monde moderne. Il s'exprime en vers et en prose, mais son itinéraire est surtout jalonné par ses œuvres poétiques.
Il meurt en 1972, après avoir réalisé une œuvre variée et abondante.
Sa production littéraire comprend des œuvres romanesques, des essais, des œuvres poétiques.
Ses romans et ses nouvelles : "Loin de l'Ancrage", "Manoug Tevinian", "La Princesse", "Ghougas le Persiflé" sont généralement parus dans la presse littéraire.
Ses essais aussi sont publiés dans les périodiques.
Il n'en va pas de même de ses œuvres poétiques, rassemblées pour la plupart dans des plaquettes parues entre 1928 et 1970.
Il faut citer à part une prose poétique, "Le Bois de Vincennes", parue dans la revue "Nayiri", en 1947, et dont la deuxième partie reste inédite.
Seraient-ce simplement des raisons financières qui ont empêché Nigoghos Sarafian de publier en volumes ses romans, ses nouvelles et ses essais ? , ou d'autres motivations, plus profondes l'ont poussé à jalonner son itinéraire littéraire de ses œuvres poétiques seulement ? Les questions matérielles ont sûrement eu leur rôle à jouer, mais il faut probablement voir aussi dans ce fait l'importance particulière que Sarafian accordait à sa poésie au détriment de sa prose.
Le cheminement poétique de Safarian commence avec "La Conquête d'un Espace" (1928) qui est aussi la conquête de l'espace poétique. Il s'y affirme déjà comme un poète novateur qui chante le monde nouveau et définit son projet poétique. Suit "Quatorze" (1933), poème en 14 parties, ayant pour point de départ pour sa quête initiatrice, le 14 juillet. Dans "Le sang", il exprime la dualité dialectique de l'Arménien, homme au sang ancien, habitant un monde nouveau. Puis, c'est "Marée Basse et Marée Haute" (1939) dont l'ossature est formée de poèmes qui relatent un voyage en automobile vers la mer. Sarafian y analyse la condition diasporique de l'Arménien s'ouvrant au monde nouveau et l'assumant. "La Citadelle" (1946) marque l'étape suivante de l'itinéraire. C'est l'œuvre poétique la plus volumineuse de Sarafian, plus de 270 pages à grand format, qui rassemble les poèmes de sa maturité, mais fouille aussi une veine nouvelle : Sarafian y réalise une version personnelle de l'épopée nationale arménienne et donne une expression poétique à ses mythes individuels d'homme et de poète. L'itinéraire aboutit avec "Méditerranée" (1970), somme d'expériences verbales, mais aussi, définition du lieu poétique et de la sagesse personnelle que le “voyageur” a conquis.
Extrait de "Œuvres vives de la littérature arménienne" de Krikor Chahinian ( cf. bibliographie ACAM ), avec l’autorisation de l’auteur.