Naissance en 1837 à Constantinople (Turquie), décès le 11 mars 1898 à Smyrne (Turquie).
Composieur et chef d'orchestre arménien.
Il a composé le premier opéra arménien, Arshak II (1868, mis en scène dans une version raccourcie en 1873), sur le roi Arsace II d'Arménie.
Dikran Tchouhadjian est né à Constantinople en 1837 et mort à Smyrne le 25 février 1898. Ses dispositions exceptionnelles pour la musique sont révélées assez tôt. A Constantinople, son père confie tout d'abord son éducation musicale à Mangioni, puis, quelques années plus tard, c'est à Milan qu'il suit des études de perfectionnement (1862-1864). Milan est à cette époque l'un des centres les plus importants pour l'opéra en Europe et le jeune Tchouhadjian se jette à corps perdu dans une passionnante vie musicale. En étudiant l'harmonie et l'instrumentation et en apprenant à maîtriser la composition, il se nourrit avidement des grands classiques. Il est alors particulièrement attiré par l'opéra.
A son retour, il participe aux activités de la Société Musicale Arménienne, publie le journal Kenar Haygagan ("La Lyre arménienne") avec Kapriel Yéranian, donne des conférences et des concerts. Il met sur pied un petit orchestre et travaille avec le théâtre musical Kousanerkagan, Il travaille aussi avec l'Arevelian Tadron (le "Théâtre Oriental") l'un des principaux théâtres arméniens à Constantinople, et c'est à cette occasion que sa musique de scène pour la pièce de Romanos Sedefdjian, Vartan Mamigonian, pergich hayreniats ("Vartan Marnigonian, sauveur de sa Patrie") est présentée pour la première fois en 1867.
En 1868, il achève l'opéra Arsace secondo ("Arshak II"), d'après un livret en italien de Tovmas Terzian, marquant ainsi la naissance de l'opéra national arménien. De son vivant, seuls des extraits seront présentés, notamment à Constantinople, Venise, Paris et Vienne. La partition, que l'on croyait disparue, sera découverte et envoyée à Erevan en 1942. Une version remaniée par Alexandre Chahverdian et Levon Khodja-Eynatian, d'après un nouveau livret d'Armen Goulakian, y sera présentée en 1945.
Dans les années 1870, Tchouhadjian écrit les opérettes L'Imposture d'Arif (d'après la comédie de Gogol "Le Revizor"), Keusé-Kéhia ("Le Notable imberbe"), Léblébidji Hor-Hor Agha ("Hor-Hor Agha, le marchand de pois chiches") et, vers 1880, l'opéra "semiseria" Zémiré sur un livret inspiré de contes arabes. Tchouhadjian compose également de la musique de chambre, de la musique pour orchestre ainsi que des pièces pour piano (danses, marches, fugues, fantaisies, paraphrases) qui seront publiées à Constantinople dans les années 1870-1880.
En tant que fondateur de l'opéra arménien, Tchouhadjian est une figure importante dans l'histoire culturelle du Moyen-Orient. Il sait mettre son éducation musicale européenne au service de ses racines orientales. Dans une certaine mesure, son œuvre participe du mouvement d'émancipation des Arméniens de l'empire ottoman dans la seconde moitié du XIXe siècle. Son style se forge sous l'influence de plusieurs facteurs : l'école d'opéra italien (en Italie, on le qualifie de "Verdi arménien"), l'opérette française (lorsqu'il présente sa musique à Paris, où il séjourne de 1891 à 1892, la presse parisienne le surnomme l’"Offenbach oriental"), et, par dessus tout, le folklore urbain arménien, dont l'influence est plus particulièrement remarquable dans Keusé-Kéhia et Léblébidji Hor-Hor Agha. Son langage musical est essentiellement enraciné dans les chansons des villes : il se promène dans les rues en écoutant et en notant des fragments de mélodies, des motifs rythmiques et même des bribes de conversations. En utilisant ce matériel, et contrairement à la tradition en vigueur, Tchouhadjian sait qu'un compositeur "national" doit aussi se servir de l'expérience de la culture musicale mondiale. Adolpho Talasso, un critique musical, écrit dans la Revue Théâtrale : "Dikran Tchouhadjian fut le premier à appliquer les techniques européennes à la musique orientale. Ses idées hautement originales, la fraîcheur de son langage musical, son orchestration colorée – tout est imprégné des lumières de l'Orient. Ses compositions, pleines de puissance et d'enchantement, sont remarquables par leur maîtrise de l'harmonie et du contrepoint."